10 juillet 2016

Henri Roorda, Le pédagogue n’aime pas les enfants (note de lectura)



Edité par le Bourlapapey, bibliothèque numérique romande, www.ebooks-bnr.com

... ils n’en meurent pas
La réalité est que la vie peut continuer dans des conditions très défavorables. Le problème avec une école très peu satisfaisante est qu’aucun élève n’en meurt. “Il faut le reconnaître, quelles qu’aient été les fautes commises par nos éducateurs, nous n’en sommes pas morts. Nous sommes encore là. On nous compte lorsqu’on fait le recensement annuel de la population. Et, ça, c’est énorme!” (p. 3)
L’Ecole décharge les parents, cinq, six ou sept heures par jour, du soin de surveiller leur progéniture.
Les écoles jouissent de l’adhésion muette et distraite de nombreux citoyens.
L’Ecole forme le jugement de ceux qui pourraient plus tard la juger.
Thèse de l’ouvrage: “Je me propose de montrer que les écoles d’aujourd’hui sont mauvaises, et qu’on pourra les améliorer beaucoup dès qu’on le voudra réellement.” (p. 5)
Dans quelle direction devrait agir le pédagogue, quant à l’action sur la mentalité humaine?
Chez ceux qui portent le nom d’éducateur, un certain idéalisme est de rigueur: ils doivent croire en un Mieux réalisable, en un perfectionnement possible de l’être humain.


Il y a deux écoles
Tous les écoliers sont soumis au même régime intellectuel.
Il y a deux écoles:
a) l’école proprement dite, où tous les enfants vont pour commencer;
b) l’école speciale ou professionnelle, où l’on entre plus tard et les élèves font un apprentissage déterminé.
Dans l’école proprement dite, c’est-à-dire l’Ecole, le maître s’adresse à des enfants qui exerceront par la suite les professions les plus diverses.
L’Ecole veut nous apprendre à penser, réformer notre caractère, nous moraliser et faire de nous de bons citoyens.
Si l’Ecole a pour devoir de favoriser le développement physique, intellectuel et moral de l’enfant, c’est pour cette raison bien simple qu’elle empêche les autres de le faire.
A l’Ecole, on ne peut pas choisir, il faut tout avaler. L’uniformité est la règle.
Le principe est clair: la dose de science que nous inculquons à l’écolier dans un temps donné ne doit pas dépendre de la qualité de son cerveau.
Il existe beaucoup d’écoles où les jeunes gens peuvent se spécialiser. Mais nous n’avons pas encore celle où l’enfant pourra s’épanouir.

Un coup d’œil dans les manuels scolaires
Sécheresse dans les renseignements. Beaucoup de noms, mais pas d’âmes.

Le pédagogue est un spécialiste
Le pédagogue doit former des élèves qui exerceront par la suite des professions très différentes de la sienne.
Les élèves ne sont pas capables de reconnaître si le régime auquel on les soumet sera pour eux fortifiant ou non.
“Le malheur des maîtres d’école est de ne jamais trouver parmi leurs élèves un contradicteur ayant de l’autorité.” (p. 23)
Les pédagogues, inconsciemment, sont portés à donner les meilleurs rangs aux élèves qu’ils jugent dignes de leur succéder.
Un professeur est un monsieur instruit qui s’adresse à un public de jeunes ignorants. C’est quelqu’un qui connaît d’avance la réponse à chacune des questions réglementaires qu’il aborde dans ses leçons.
Le domaine de la science scolaire où les cicerones de la pédagogie ont conduit notre petite troupe se compose de régions trop vagues séparées par des frontières très nettes.

Le vernis scolaire et la culture générale
La culture superficielle que donne l’Ecole peut être dite “générale”, parce que c’est celle-là qui a été généralisée.

Déplorables conséquences d’un principe faux
Principe: L’instruction étendue que nous donnons à nos élèves a pour chacun d’eux une réelle valeur et doit être obligatoire pour tous.
Les milliers d’heures d’immobilité que l’Ecole impose aux élèves exercent sur leur vie une influence des plus profondes.
Il y a un ordre immuable dans le besogne de l’Ecole. Pour ses élèves, l’imprévu n’existe pas.
flagrant délit d’inattention ou d’ignorance
Ce qu’on demande à tous les écoliers indifféremment, c’est de ressembler le plus possible à l’Elève Modèle, lequel ne se trompe jamais.
Le maître, à l’ordinaire, s’adresse à des enfants dont la pensée est endormie, ou paralysée.
Le savoir de l’ecolier est bien plus la récompense de sa docilité que le fruit de son activité. C’est un aliment spirituel qua sa curiosité ne réclamait pas. Sa tâche habituelle est de formuler dans une langue qui n’est pas la sienne les idées des autres.
A l’Ecole, on est pressé.
Les manuels contiennent d’abord et surtout des mots. La réalité qui se trouve derrière les mots lui reste la plupart des temps inaccessible.
L’écolier ne connaît de la science que ce qui n’a aucune valeur éducative: les formules exprimant les résultats obtenus. Il ignore la curiosité et la persévérance du savant. Pour des êtres très jeunes, ce n’est pas la pensée du savant qui est difficile à saisir: c’est celle du pédant.
Les écoliers d’aujourd’hui étudient les sciences comme ceux d’autrefois apprenaient leur catéchisme.
“La culture générale que nous donnons à nos élèves est un vernis qui n’augmente pas leur puissance. Elle les met en mesure de répondre à des questions classiques, à des questions prévues; mais elle ne les rend pas particulièrement perspicaces devant des problèmes nouveaux. A l’école, savoir, s’est pouvoir montrer que l’on sait,  - rien de plus.” (p. 44)
En ôtant aux questions leur complexité, on leur enlève du même coup leur vraie signification et leur intérêt.
“Etiqueter, classer, juger des êtres et des choses que l’on n’a jamais étudiés avec soin, des êtres et des choses que l’on ne connaît pas: voilà l’habitude que l’on contracte à l’Ecole et que l’on gardera pewut-être jusqu’à la fin.” (p. 48)
On ne cultive pas les écoliers, c’est-à-dire qu’on n’enrichit pas leur nature en leur fournissant sans cesse l’occasion de développer  leur aptitudes précieuses qu’ils possèdent tous.
Le maître enseigne dans des conditions défavorables, c’est pourquoi il constate continuellement la disproportion qu’il y a entre la peine qu’il se donne et les très médiocres résultats qu’il obtient. Ah! comme notre besogne pourrait être passionnante si nos élèves avaient de la curiosité, de l’avidité! Mais donner sans cesse des explications à des enfants silencieux qui ne les demandent pas, quelle amertume, parfois!

Une école meilleure
Dans une telle école, l’enfant recevrait chaque jour, de huit heures à dix heures du matin, l’instruction obligatoire: apprendre à écrire et à parler correctement sa langue maternelle et à effectuer avec sûreté et avec aisance les calculs les plus simples arithmétique.
La cultivation de l’enthousiasme.
L’éducation physique de l’enfant.

Quelques objections
L’être humain est naturellement paresseux, c’est-à-dire qu’il s’épargne autant que possible les efforts pénibles.
Si le travail de l’écolier a de la valeur, c’est à condition qu’il améliore le travailleur lui-même.
“Je veux dire qu’il existe, à notre époque, des écoles pour enfants arriérés ou anormaux, des écoles pour sourds-muets, des écoles pour crétins ou pour culs-de-jatte, mais il n’existe pas d’écoles pour enfants très intelligents. On dit: “Oh! ceux-là se tireront toujours d’affaire.” Cela n’est pas sûr. Ce sont les imbéciles, dont notre société capitaliste fait une grande consommation, qui peuvent être certains de tirer, ici et là, un petit emploi modeste. Mais il y a des natures fines, plus fragiles que les autres, qui demandent à être éduquées avec un soin tout particulier.” (p. 65)

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